Tout a commencé un jour d'été...
Ce jour-là, Qwartz était née. Elle n'était encore qu'une petite boule de poils bien naïve, et ne connaissait en rien des dangers qui l'entouraient. Sa mère, son père, ses grand-parents, ses oncles, bref, tout le monde de la famille était heureux que deux chatons venaient de naître. Oui, Qwartz avait un frère. Mais elle ne l'a pas revu depuis longtemps...
Qwartz et son frère, s'appelant Zéphyr, grandirent ensemble, et s'aimaient bien. Ils grandirent sous l'oeil bienveillant de toute la famille. Ils avaient tous de quoi être heureux. Les deux chatons, comme bons enfants ils étaient, aimaient faire des bêtises...
Un jour, à l'heure de la sieste, tout le monde dormait à point fermé. Les deux chatons avaient déjà prévu de partir en douce de leur abris chaleureux. Ils voulaient voir le monde et le connaître par coeur pour ne jamais se perdre. Pas loin d'ici, une forêt s'étendait, grande et menaçante. Mais il en fallait plus pour effrayer les deux petits ; ils n'hésitèrent pas à entrer à l'intérieur.
Tout y était sombre. Tout y était lugubre. Mais cela ne les dérangeaient pas. Ils restèrent ensembles. Parfois, Zéphyr montait tout en haut d'un grand arbre. D'autres fois, Qwartz visitait un terrier abandonné. Elle parlait sans cesse, aussi. Mais ça ne dérangeait pas son frère. Et ça ne dérangeait pas non plus le calme de la forêt. À une exeption près...
Un bruissement se fit entendre. Les deux chatons se retournèrent, et virent une boule de poils brune, aux yeux verts et l'air aggressive. Mais ils n'eurent pas peur ; il était deux, lui était tout seul, et en plus il était aussi grand qu'eux ! Voyant que son apparition de fit aucun effet, le chaton brun demanda :

- Qu'est ce que vous faites ici ? Vous êtes sur mon territoire !
- Ton territoire ? demanda Zéphyr, intrigué.
- Oui, ma famille vit ici !

Qwartz le regarda longuement. Et alors, elle ouvrit la gueule, et commença à parler infiniment...

- Ben on pouvait pas savoir que ta famille vivait ici ! On vient juste de sortir de chez nous ! Et puis, en parlant de sortir, tout est très beau dehors ! J'aime bien les oiseaux, les fleurs, les abeilles, tout ce qui est haut en couleurs ! Bon d'accord, quand y a trop de couleurs, c'est moche et ça fait mal aux yeux, mais, mais, quand même ! On pouvait pas être au courant que ta famille vivait ici ! Tout est tout grand et tout beau, même si je l'ai déjà dit ça ! Et puis ta famille, elle se perd pas dans un endroit aussi grand ? Parce que quand même ! Moi j'arrive jamais à me perdre parce que je sais exactement où aller, j'ai un sixième sens, et puis toi je sais pas mais peut-être que tu es perdu ! Et puis...
- Qwartz, coupa Zéphyr, laisse-le réagir au moins...

La petite toute noire s'arrêta et regarda l'inconnu... Il avait l'air absourdi...

- Euh, oui, c'est mon territoire ! annonça-t-il. Ma famille vit ici depuis toujours ! Mais elle se cache très bien !

Les chatons restèrent ici un moment, et parlèrent entre eux. Ils sympathisèrent assez vite ; Zéphyr et Qwartz apprirent que le chaton inconnu s'appelait Ajoncs. Lorsque le soleil commença à se coucher, ils se dirent au revoir, mais ils avaient la ferme intention de se revoir. Malheureusement...

- Ah, vous voilà enfin ! Je me suis fait un sang d'encre ! Où étiez-vous passés ?!

Zéphyr et Qwartz ne répondirent pas à la question de leur mère. Honteux, ils baissaient les yeux et martelaient le sol de leurs petites pattes.

- Je ne veux plus que vous partiez sans mon autorisation ! Dorénavant, vous allez rester ici jusqu'à nouvel ordre !

Les deux chatons étaient maintenant déçus. Ils ne pouvaient plus aller voir Ajoncs ! Mais cette interdiction pourrait-elle vraiment leur en empêcher ?

- Qwartz ? Où tu vas ?

La petite se stopa.

- Chuuut... Je vais voir Ajoncs !
- Mais maman a dit qu'on devait rester ici !
- Toi, tu fais ce que tu veux ! Moi je veux voir Ajoncs ! Personne ne m'en empêchera !

Qwartz disparut hors de la grotte qui lui servait de protection et galopa vers la forêt, sans se demander si son frère la suivait. Elle voulait retrouver Ajoncs. Elle s'enfonça dans la forêt, loin, très loin, et du remarquer bien plus tard qu'elle était perdue... Mais elle était résolue à ne pas paniquer. Elle s'assit et regarda les lieux, espérant trouver un repère pour retourner sur ses pas... Elle n'en trouva pas, poussa un soupir, et ce fut à ce moment précis qu'un chat arriva. Brun foncé aux rayures noires de jais, il fixa Qwartz de ses yeux bleu glacial. Qwartz n'avait pas peur ; au contraire, elle voulut lui parler, mais le grand mâle l'attrapa dans sa gueule et l'emporta dans la forêt.
Il arriva devant une grotte aux allures effrayantes. Plusieurs chats vivaient à l'intérieur. Le mâle déposa Qwartz près d'autres chatons et s'approcha d'une femelle.

- Qui est-ce ? lança celle-ci.
- Un chaton perdu, répondit le mâle. On nous a toujours dit de ne pas négliger les chatons dans le besoin.

Qwartz se détourna des deux adultes pour regarder les chatons. Ils avaient un air à la fois effrayé et admiratif.

- C'est vrai ça ? lança une toute petite femelle rousse et dorée. Tu étais dans la forêt ?
- Oui ! répondit Qwartz, rayonnante de fierté. Je peux toujours aller dans la forêt quand je veux ! C'est super simple : il suffit d'attendre que les parents dorment, puis on peut partir sans risque qu'ils nous en empêchent ! C'est trop cool et ça marche ! Vous devriez essayer !
- J'aimerais bien, grommela la femelle, l'air déçu. Mais il y a toujours quelqu'un de garde ici...
- Qwartz !

La petite boule noire se retourna pour voir Ajoncs galoper vers elle !

- Qu'est ce que tu fais ici ? s'enquit-il.
- Je te cherchais ! Je voulais te trouver, mais ce sont les tiens qui m'ont trouvée !

Les deux chatons se mirent à rire et parlèrent entre eux. Ajoncs fit les présentations. Qwartz appris donc que la jeune femelle s'appelait Abeille, et découvrit qu'elle était presque comme Qwartz : Bavarde, curieuse et rêvait d'aventures. Le seul problème, c'était qu'elle était très timide. Elles sympathisèrent rapidement.
Alors que la nuit tombait, les adultes s'étaient regroupés près de l'orée de la forêt. Curieux, Ajoncs, Qwartz et Abeille allèrent voir ce qui se passait. Grande fut la surprise de Qwartz quand elle reconnut ses parents et son frère ! Tandis que les adultes se faisaient face, la petite se fraya un chemin entre les pattes des chats et se planta devant sa famille.

- Je suis là !

Ajoncs la suivit, Abeille aussi, bien qu'elle s'avançait timidement.

- C'est pas la faute à Qwartz ! lança Ajoncs. On se connaissait déjà ! Elle voulait venir me voir.
- S'il vous plait ! implora Abeille d'une voix aiguë. Ne repartez pas avec Qwartz ! On est bien avec elle, elle est sympa !

Les deux parents, qui n'avaient pas eu le temps de dire un mot, se regardèrent, surpris. Comment pouvaient-ils résister à un chaton aussi mignon ? Finalement, les deux adultes prirent une décision importante : ils allaient rester vivre avec tous ces chats ! Qwartz fut prise d'une joie immense ; elle allait pouvoir rester avec Ajoncs et Abeille !


Des jours passèrent, des semaines même ; Les trois chatons vivaient en parfaite harmonie et s'adoraient. Qwartz avait tendance à oublier son frère. Elle délaissa de plus en plus Zéphyr. Elle finit même par l'oublier complètement. Après des tentatives désespérées pour retrouver sa soeur, le jeune mâle finit par abandonner. Mais, petit à petit, il était résolu à faire une dernière chose pour prouver à Qwartz qu'il existait...

- Ajoncs ? Ajoncs, où t'es passé ?

Qwartz parcourait la forêt à la recherche de son ami. Elle était accompagné d'Abeille. Ensembles, elles appelaient Ajoncs. En vain. Cela faisait depuis quelques jours que ce dernier avait disparu, et personne ne savait ce qui était arrivé.
Soudain, la petite femelle sentit une odeur étrange. Elle la suivit, se demandant ce que c'était. Elle fut prise d'une vision d'horreur en découvrant d'où venait cette odeur. Elle et Abeille s'immobilisèrent un instant, puis s'approchèrent doucement. Le petit corps d'Ajoncs gisait là, éventré. Cela devait faire plusieurs jours qu'il était mort, son sang était sec et l'odeur épouvantable. Les deux femelles se regardèrent, l'air horrifié. Un bruissement les tira de leurs pensées et elles se retournèrent comme une seule personne. Un chaton noir se frayait un passage entre les fougères. C'était Zéphyr.
Qwartz fit un pas vers lui, puis s'arrêta net. Son frère ne semblait pas dans un état normal. Son regard bleuté était froid, et semblait être ailleurs. Sans un mot, il s'élança, toutes griffes dehors, droit vers... Abeille. La jeune femelle ne l'avait pas vu venir et poussa un cri d'effroi.

- Non !

Qwartz ne réfléchit pas et bondit pour intercepter Zéphyr. Les deux chatons roulèrent dans l'herbe, feulant et crachant comme de vrais adultes qui se battaient. La voix d'Abeille gémissait et leur demandait d'arrêter, mais aucun d'eux n'écoutait la petite. Cette dernière, paniqué, s'enfuit dans la forêt. Les deux autres se retrouvèrent seuls. Dans un cri de rage, Qwartz plaqua son frère au sol. Sa fourrure avait doublé de volume.

- Qu'est ce qui te prend ?!

Zéphyr ne répondit pas tout de suite. Ses griffes étaient rentrées et il affichait un air satisfait. Enfin, il annonça :

- Ça faisait un moment que tu ne m'as plus vu. Je pensais que tu m'avais oublié. J'ai donc réfléchi à quelque chose. Quelque chose qui te ferait me voir à nouveau. J'ai trouvé la solution. Tuer Ajoncs était la meilleure.
- Quoi ?!
- De plus, mon plan était bien plus long que ça. Et il va bientôt se finir...

Un bruit de cavalcade résonna ; Qwartz se retourna et vit qu'Abeille était de retour, accompagnée des adultes. À ce moment-là, Zéphyr se mit à gémir.

- C'est elle, c'est elle ! Je vous l'avais dit ! Elle a tué Ajoncs, maintenant elle a essayé de me tuer aussi !

Zéphyr se leva brusquement, se qui surpris Qwartz. Elle roula dans la poussière, tandis que son frère continua :

- Le mal l'habite ! Si elle reste en vie, elle va tous nous tuer !
- Eh ! lança Qwartz. Il dit n'importe quoi, pourquoi vous allez le croire ?!

Mais les adultes regardaient Qwartz d'un air peu sympathique. Ils l'encerclaient et s'approchaient d'elle, toutes griffes dehors.

- Tu as osé tuer mon fils ! lança une femelle, les yeux embrumés par la colère et la tristesse.
- Zéphyr avait raison ! Qwartz avait une attitude bizarre !
- On aurait du le remarquer avant !
- Il est trop tard pour Ajoncs, mais pas pour les autres ! Il faut la tuer maintenant !

Qwartz s'applatit au sol, avisant les adultes qui s'approchaient d'elle, l'air aggressif. Ils ne la croyaient pas et elle ne pouvait pas se battre contre eux. De plus, elle était encerclé, et fuir n'était pas une chose facile. Comment allait-elle faire ?
Une idée lui traversa l'esprit. Elle prit une grande inspiration, puis hurla de toutes ses forces, avec une voix plus aiguë que d'habitude :

- JAMAAAAAAAIS !!

Son plan avait fonctionné. Les chats avaient planté leurs griffes dans le sol, et grimaçaient à cause de cette voix horriblement aiguë. Sans se poser de question, Qwartz fila ventre à terre dans la forêt.

- Elle s'échappe ! cria Zéphyr. Il ne faut pas la laisser filer !

La petite noire entendit les chats qui se mettaient à sa poursuite. Pour avancer plus vite, elle prenait de l'élan grâce à ses griffes. Elle courut longtemps, les autres à ses trousses s'approchaient de plus en plus. Elle avisa alors une lueur, comme iréelle, en dehors de la forêt. Elle s'y lança, et se retrouva à découvert. Elle hésita un instant, puis entendant les feulements derrière elle, elle s'élança dans la lande. Les chats s'arrêtèrent à l'orée du bois.

- Non ! feula l'un des félins.

Qwartz s'éloignait de plus en plus de la forêt, ne se retournant pas. Le vent lui apporta les paroles de son frère...

- Tout le monde sait qu'il ne faut jamais sortir de la forêt ! Elle ne peut être qu'un démon pour ne pas hésiter de le faire !

La petite noire continua d'avancer un peu lentement. Elle ne sut comment, elle arriva dans une ville assez effrayante. À présent, elle avançait lentement, prête à s'enfuir à tout moment. Elle se sentait observée, même dans les rues où elle était persuadée que personne ne se promenait. Elle songea à sa famille, à Ajoncs, Abeille, puis l'image de Zéphyr lui revint en tête.
Non, sa famille n'était plus celle qu'elle connaissait. Elle pensait qu'elle l'avait trahie. Qwartz repensa avec tristesse à ses moments de jeux avec ses amis. Maintenant, c'était fini. Elle n'habitait plus dans la forêt avec des chats.

À présent, son lieu de vie était cette ville. Inconnue maintenant, mais plus pour longtemps !