« Hé la momie ! Tu sais que tu vas louper Halloween là ? MEC ! Réveille-toi ! Une pause. Une petite tape sur le sarcophage. Et un soupir las. Non mais j’y crois pas. T’es quoi toi ? Tout le monde se prépare pour demain et toi, tu glandes dans ton berceau puant là. T’es sur que t’es une momie pas une tap…» Interruption, la boite de fer s’ouvre.

Deux yeux marrons sortirent de l’obscurité du cercueil égyptien, ou plutôt Halloweenien. L’ouverture était juste assez grande pour admirer le regard de la momie, un regard étrangement humain. L’habitant de cette modeste boite observa en silence l’inconnu qui venait de le réveiller. Un inconnu doté d’un long manteau noir qui avait les bras croisés. En guise de visage, il y avait un masque blanc, effrayant. C’était donc lui qui venait de taper bruyamment sur le sarcophage de notre amie la momie. Et Dova, il n’aimait qu’on le réveil pour des broutilles. Il se levait uniquement pour Halloween et encore, parfois, il arrivait en retard. Mais ça, c’était avant de faire la connaissance de ce petit masque assez… énergique.

Sa main poussa un peu plus le toit de son habitation, pour pouvoir se mettre assis confortablement dans son sarcophage préféré. Tout en zieutant l’étrange personnage masqué à côté. Pourquoi venait-on le dérangé dans son sommeil, sérieusement ? Il était bien là, à rêver de… pas grand-chose. Le confrère Halloweenien après quelques secondes de silence se décida à reprendre la parole, malheureusement.

« Bah voilà, bon mec, faut que tu t’actives là. Tu m’fais pitié à rester dans ton coin. Tu veux pas préparer tes farces, ton horrible tronche pour effrayer les autres ? Mmmmh… Son regard se positionna rapidement sur le corps de Dova, un corps de momie, donc. Un sourire, il reprit. Bon, j’suis sûr qu’en plus, t’es doué pour faire gerber les gens de peur, hahahaha. »

Ce mec n’arrêtait pas de parler. Même en pensant ça, Dova entendait encore l’autre piailler dans tous les sens. Fais Halloween. Vas faire peur aux gens. C’était un peu le but de l’existence de la momie, non ? Mais cette momie précisément prenait son temps pour ça. Et oubliait parfois que le jour d’Halloween se rapprochait. Ou que c’était le lendemain, dans le cas présent.

« Bon allez, mec, si tu veux, on va voir Jack, mon meilleur pote et il va t’aider à trouver un truc en plus de ta tête pour terroriser les enfants okay ? Faut pas avoir le trac, vieux. »

Dova se rendit compte d’une chose, ce jour-là, à cette minute précise, que ce type masqué était légèrement énervant mais plutôt sympa, à la longue. « Et j’m’appelle Joe, mec. » Et qu’il se prénommait Joe. « Et j’suis un masque magique en fait le corps, là, Bob, c’est un mec artificiel que je contrôle grâce à ma totale classe.» Et que… voilà. Sans être étonné par toutes ses révélations et épuisé à l’avance en observant Joe, très motivé, lui tendre les bras, les pouces levés, Dova soupira, s’allongea et referma son sarcophage, au nez de son désormais nouveau coéquipier.

« Hé HO ! D’où tu m’fermes la porte au nez ? MEC ! Hé ! Acharnement de coup de poing contre le haut du sarcophage. CLIC. Clic, comment ça Clic ? Tu fermes à clé en plus ? Putain, mec. Hé ! »
Mais Joe était ridiculement têtu.

Voilà comment le duo infernal s’était rencontré. Dova y repensait souvent, le sourire aux lèvres. Même si ses bandelettes blanches cachaient le rictus, dommage. Ça allait faire trois Halloween qu’ils se connaissaient. Et effectivement, la momie était devenue plus terrifiante et plus ponctuelle. Et puis un Halloween comme un autre pointa le bout de son nez.

« DOVA. » La porte s’ouvrit tout d’un coup et brusquement. Joe surplombant son corps artificiel déboula dans la maison que les deux compagnons avaient acquise. Un sarcophage se trouvait en plein milieu de l’unique pièce.

« C’est affreux mec. Jack.. Jack… Il a disparu ! Mais MEC ! Comment j’vais pouvoir me la péter d’être son pote ? Comment on va fêter halloween, terroriser les gens, faire des blagues, des farces… on est fichu.. FICHU ! Les autres parlent de ces ombres ridicules là, qu’on avait aperçus, tu t’souviens ? Bah le mec à l'arme bizarre qui avait aidé Jack et le Maire, bah il s'est tiré quoi ! Et puis PAF! Une pause. Plus de Jack non plus. Et ça craint dehors là ! »

Il déblatéra tellement de choses en une seconde que même un androïde ultra modifié et perfectionné n’aurait pas pu tout enregistrer. Le couvercle de la boite de conserve géante s’ouvrit en grand et la momie en sortit, assez mollement, il est vrai. Il observa Joe, dans sa position la plus dramatiquement exagérée, les deux mains aux niveaux des joues de son masque.

« C’est rare de te voir affolé. Un soupire. Sa main alla gratter la tignasse de bandelettes blanches. Et puis, c’est quoi cette histoire farfelue encore ? »

L’attitude désespérée de Joe se stoppa au bout de quelques secondes. Il reprit ses esprits et toussota légèrement, le poing devant la bouche. « Mec, j’voulais juste mettre un peu de tragique dans la situation. J’suis un putain d’acteur non ? »

Pendant que le masque se lançait des fleurs, Dova sortit de son sarcophage et se traina – lui et ses bandelettes – jusqu’à la fenêtre. Et effectivement, c’était plutôt la panique dehors. Ou pas. Et c’était bien ça qui était inquiétant. Pas de vies, ou de morts. Personne. A part quelques sbires d’Oogie Boogie, le sac d’insectes maléfiques que Dova n’appréciait pas. Il n’aimait pas les insectes. Ça bouffe les bouts de tissus et ça aime les corps un peu pourri. Ça se faufile partout. Bref. Vous voyez pourquoi il n’aime pas ces bestioles ? Il aperçut en particulier Am, Stram et Gram sautillant joyeusement vers la place de la Guillotine.

Et Dova n’eût qu’une chose à dire, face à la situation : « Ça craint, Joe. »
Et Joe, qui n’était plus qu’un masque volant – il avait laissé par terre, sans vie, le corps artificiel, pour rejoindre la fenêtre et son ami – ajouta : « On l'a dans l'os, mec. »